Les Enfants de Syrtis
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Message  Kietah Sam 11 Fév - 21:32

Bon, vu que tout le monde se lance, je viens faire mes tites preuves...

Je raconte souvent que j'écris, et tout et tout, mais je ne vous ai jamais montrés en fait. L'histoire que je poste là a été abandonnée et le restera, une histoire inspirée d'une époque lointaine sur Syrtis, seulement, j'aimerais avoir vos petits avis aussi Smile Donc voilà, ce sont les débuts de Kietah ^^ Bonne lecture aux motivéééééééés ♫


« La vie c'est un livre qu'on aime, c'est un enfant qui joue à vos pieds,
un outil qu'on tient bien dans sa main, un banc pour se reposer le soir devant sa maison. » Jean Anouilh



    La maison qu’habitait Sylde Ambredor, forgeron, était l’une des plus luxueuse que possédait Fisgaël. Oh, pas au niveau des meubles et ce qui la composait ; elle n’avait rien d’un château, avec des ornements extravagants. Bâtie sur deux étages, le rez-de-chaussée servait à la fois de forge et de boutique, où se vendaient armes, armures, et diverses autres bricoles, ce qui prenait beaucoup de place. Le magasin était très fréquenté, sûrement parce que Sylde était le descendant d’une prestigieuse lignée de forgerons qui, sur Syrtis, étaient les seuls à réussir le maniement des pierres de Magnanite, et à en faire des lingots. Le forgeron les fondait et les donnait à Riviv qui, lui, les transformait en armes extraordinaires.

    Mais Sylde, à la famille nombreuse, vivait plutôt à l‘étage. Il avait trois filles et un fils, la plus jeune âgée de quinze ans, la plus âgée ayant passé les vingt, et le fils déjà en âge de travailler avec lui. On voyait bien qu’ils vivaient aisément : il suffisait d’observer la porte d’entrée.

    Voilà. Attardons nous quelques instants sur cette porte d’entrée. Pour y accéder, il fallait monter une rampe faite d’un alignement de planches de différents bois. Sur les cinq derniers mètres, il y avait à droite l’un des murs de la maison, et une fenêtre assez opaque, et sur la gauche s’étendait le paysage d’une région qu’on appelait Arn Eyllis ; et, loin au delà, derrière, la mer.

    L’entrée donc. C’était une porte en bois haute de deux mètres, assez large pour y faire entrer un cheval (rassurez-vous, cette hypothèse n’a encore jamais été réalisée). Lorsqu‘un visiteur attardait son regard dessus, il pouvait la croire neuve, car elle n‘avait aucun défaut. Pourtant, elle avait été sciée en même temps que l’habitat, ce qui signifiait un demi-siècle. Le bois était très clair, et lisse, sans aucune irrégularité ou imperfection, digne d‘un grand seigneur. C’était l’arbre dont il provenait qui en faisait une large planche magnifique. En effet, ça provenait d’un eolia, l’arbre sacrée sur Syrtis, aux feuilles oranges toute l’année, sauf le premier mois de printemps, où ses feuilles se teintaient de rose,s'éveillant doucement de l'hiver : on leur prêterait même le pouvoir d’être à l’origine de la prochaine trêve entre les trois royaumes. Au dessus de cette porte était gravée un proverbe qui nous suivra tout au long de l’histoire. On récolte ce que l’on sème

      « C’est terminé papa, tu comprends ? J’en ai marre ! »


    La porte s’ouvrit à la volée, heurtant violemment le mur, et sortit alors une jeune elfe. Elle avait de longues oreilles pointues, caractéristique sylvestre, qui pointaient légèrement sous ses longs et ondulés cheveux d’un blond éclatant, en cet instant attachés par une lanière de cuir, et un visage aux traits fins. Elle avait également de grands yeux bleu océan, qui avaient la particularité de trahir chacune des émotions de l’elfe, même si elle souhaitait les garder cachées. Elle était plutôt grande, même si cela n‘avait rien d‘étonnant vu ses origine sylvestres. Ils étaient tous grands, tout dépendait à qui on les comparait.

    Tous ses traits étaient crispés de colère, et ses yeux semblaient attendre que son père apparaisse pour le foudroyer (du regard). Ses poings étaient fermés, de chaque côté, et il me faut vous préciser qu’elle portait en la tunique d’apprentie archère, verte claire et brune, s’arrêtant juste au dessus des genoux.

    Cette tunique voulait en dire long sur ses intentions. En effet, Syrtis, le royaume dans lequel se situe notre histoire, faisait partie d’un monde où se battaient régulièrement trois patries, dans une zone de conflits extrêmement dangereuse. En face se trouvait Ignis, royaume des elfes noirs qui un jour étaient partis après avoir mené une guerre sans merci contre Syrtis et s'étaient alliés aux Molok et Esquelios, et Alsius, celui des nains et des Utghars, une espèce qui ressemblaient à de grandes chèvres bleues et vouaient une haine sans limite envers les elfes. Et l’on pouvait choisir de rentrer dans les rangs Syrtis, quand on avait une vingtaine d’années, pour apprendre à défendre son pays.

      « Kietah, je t’interdis de retourner là bas ! Tu y es déjà allée sans mon autorisation pour prendre cette tunique ! »


    C’était la voix d’un homme qui avait répondu à l’exclamation soudaine. En effet, dans l’encadrement de la porte apparut Sylde, le forgeron. Grand, costaud, il avait exactement les même yeux que sa fille. Il était chauve et imberbe, et semblait aussi furieux que la dénommée Kietah.

      « Je fais ce que je veux, et tu ne m’en empêcheras pas ! répondit-elle, foudroyant enfin son père (du regard).

      - Ah, tu crois ? Fais encore un pas, et je t’assure que tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison, tant qu’elle m’appartiendra ! »


    Pendant un instant, Kietah se stoppa net. Dans la fenêtre juste à côté d’elle, deux paires d’yeux venaient d’apparaître et la fixait. Mais l’opacité du verre l’empêchait de deviner quel sentiment y brillait. Ils la fixaient juste. Elle eut un soudain sentiment de culpabilité. Effacé par cette envie de faire ce qu’elle souhaitait.

    Depuis qu’elle était née, un arc trônait dans son salon. Et elle s’était mise à rêver. Qu’un jour, elle le brandirait. D’où venait-il ? Elle n’en avait aucune idée. Il était là depuis des années, et cela lui avait suffit. Enfin, maintenant plus. Elle voulait réaliser son rêve, était prête à se heurter à n'importe quel obstacle. Et depuis le premier jour où elle avait parlé de devenir une archère de Syrtis, son père ne cessait de la dissuader d’emprunter cette voie. Pour des raisons aussi floues que l’apparition de cet arc.

    Kietah aimait son père. Il était gentil, même si il était ferme, et toujours souriant. Sauf lorsqu’elle abordait ce sujet là. Enfin, celui là et celui de sa mère, décédée alors qu'elle avait cinq ans. Elle n’avait jamais su pourquoi, juste que c’était quelques temps après la naissance de Meïlah, sa plus jeune sœur. Elle n’avait aucun souvenir de sa jeunesse, juste une horrible peur du froid et du noir. Naturellement, elle ne racontait pas sous tous les toits. Et son père le savait, elle en était sûre. Mais il refusait de dire quoi que soit, et que ses filles deviennent des combattantes de Syrtis.

    Alors aujourd’hui, en cet instant, elle allait mettre fin à l’éternelle conflit entre elle et son père. Ainsi elle déclara :

      « Très bien, car, de toute façon, je ne comptais pas revenir ! »


    N’était-ce que la colère qui parlait ? Ou des années et des années de lutte qui la fatiguaient ? Kietah ne le savait pas, et été à jamais condamnée à se demander quelle mouche l'avait piquée. Juste qu’elle le pensait de tout son cœur. Elle tourna les talons, fit dos à son père, et descendit la rampe, ne lui laissant le loisir et le temps de lui répondre.

    Les deux paires d’yeux ne la quittaient pas, tandis qu’elle emprunta la Sortie Sud de la ville, située à une centaine de mètres de l’habitation, bousculant quelques jeunes aventuriers qui revenaient de l’île de Jeril, l’île de départ aussi, reliée au continent à l’aide d’un monument qui reliait les deux à l‘aide de la magie. Et elle disparut dans les bois d’Arn Eyllis.

    La fureur de la jeune elfe ne faiblit pas au fil des mètres de sa folle course. Elle en voulait à son père d’avoir tenté de la convaincre d'abandonner depuis qu’elle était toute petite, de lui avoir dit que ce n’était pas une bonne chose. Elle lui en voulait à chaque instant. De ne lui avoir rien dit. Sur sa mère, Iliria. De ne l’avoir jamais soutenue, malgré toutes ses réticences.

    Kietah n’avait fait que quelques pas à l'extérieur de la ville qu’une voix l’interpela :

      « Youhou ! Kiet’ ! »


    Elle se retourna et vit un jeune homme de son âge courir vers elle. Elle eut un léger sourire. De la même taille qu’elle, il avait de courts cheveux blancs ébouriffés sur la tête, et des yeux verts pétillants de vie. C’était Stefyan, le fils de l’éleveur de chevaux de la ville, mais aussi le meilleur ami de la future apprentie archère.

    Quand un petit hennissement retentit, et qu’un jeune poulain apparut, galopant derrière l’éleveur, sa surprise s’agrandit tout comme son sourire. C’était Milton, né six mois plus tôt, grâce à l’éleveur et à son amie. Malheureusement, ils n’avaient pu sauver la mère. Ce même jour une autre jument de l’élevage, qui avait, quant à elle, perdu son poulain, avait accepté de lui donner son lait. Mais Milton s’était rapidement comporté d’une façon qui ne ressemblait à celle des autres équidés. Il ne quittait jamais Kietah quand elle était près de lui, ni Stefyan d’ailleurs, il les avait comme adoptés.

      « J’ai entendu crier, continua ce dernier quand il était à son niveau, alors qu’elle caressait le jeune poulain. J’ai reconnu ta mélodieuse voix, et j’ai bien compris les mots. Alors comme ça, tu pars pour de bon ?

      - On en a souvent parlé, Stef’,
      fit-elle, levant les yeux vers lui. Ca allait arriver, ne me dit pas que tu m’en empêcheras, comme mon père ?

      - Non, pas du tout. C’est que… ça va prendre des années, où Milton et moi ne te verrons plus.

      - Je peux très bien ne pas être acceptée.

      - La bonne blague. Tu le seras, sans aucun doute. Des années… Tu nous auras sûrement oubliés d’ici là, quand tu reviendras sur Fisgaël, avec toute une bande d’amis combattants, et nous, nous serons plus rien…

      - Stef’, arrête tes âneries, s’il te plaît. Je sais que ça ne te plaît pas, mais c’est comme ça. Je ne reviendrai pas sur ma décision.

      - Je sais…
      »


    Stefyan s’approcha de son amie et posa une main réconfortante sur son épaule. Il soupira un coup, cherchant les mots pour tenter de la convaincre, une dernière fois. Mais à quoi bon ? Elle venait d’annoncer « officiellement » son départ à son père, et elle ne ferait pas demi-tour. Pas elle.

    Depuis qu’il la connaissait, il savait que Kietah était une jeune femme bouillonnante de vie, mais également d’émotions et de caractère. Elle était d’une franchise incroyable, avec trop peu de diplomatie malheureusement, et avait un peu de mal à se contrôler quand il s’agissait de ses accès de colère et de tristesse, même si les années allaient en s’arrangeant. Elle n'était pas méchante, voire même attachante, avait un certain humour, et pourtant restait une louve solitaire au fond d’elle-même, chose qu’il avait du mal à changer. Enfin, c’était son amie, et il l’avait accepté ainsi.

    Kietah ne disant rien, attendant qu’il parle, il capitula.

      « De toute façon, je ne pourrais pas te faire changer d’avis. Je t’en supplie alors, sois prudente, et reviens vite. »


    Kietah lui fit un grand sourire, heureuse d’avoir le soutien de son ami de toujours, et s’accroupit au niveau du poulain, qui semblait comprendre qu’il ne la verrait plus pendant un long moment. Il poussa un hennissement d’indignation pour prendre position. Il tapa de l’antérieur, frustré, et elle tenta de le rassurer par de petits bruits puis lui flatta l’encolure. Il se stoppa net et se colla à elle, alors qu‘elle le prit comme on prenait une fragile peluche dans ses bras. Il y ressemblait beaucoup.

    Plus Kietah passait de temps avec ce petit poulain, plus elle était étonnée par son comportement. Il ressemblait plus à un jeune enfant qu’à un jeune cheval. Toujours curieux, il semblait comprendre bien plus de mots qu’il n’aurait du pour un cheval. Il était extraordinaire.

    Elle lui déposa un petit bisou sur le chanfrein (une partie de la tête qui commence entre les deux oreilles et s’arrête entre les deux naseaux) et il la repoussa avec un hennissement d’indignation, reculant et secouant la tête. L’elfe éclata de rire en se levant et adressa un signe de main à Stefyan :

      « Bon allez, à la prochaine fois ! »


    Et elle partit en direction du monument qui l’amènerait sur l’île, ses cheveux blonds dansant derrière elle et laissant une espèce de sillage doré.

    Une nouvelle aventure commençait pour elle. Mais bien plus complexe et inquiétante qu’elle n’aurait pu l’imaginer.

    Stefyan fixait la silhouette de son amie disparaître et soupira. Il aurait aimé avoir le courage de la suivre, il avait cherché ce courage, mais sa petite vie d’éleveur lui plaisait bien, plutôt que de se retrouver nez à nez avec un nain sans pitié, sans cœur. Il avait abandonné quand il voyait que sa motivation était incomparable à celle de Kietah. Là, il abandonna également l’idée de la poursuivre, sachant très bien que c’était loin d’être son monde. Il se détourna, retourna vers Fisgaël, assez abattu, Milton sur les talons.

    Il n’était pas à deux cent mètres de la ville qu’une femme lui tomba dessus.

    Dire qu’elle était vieille était un doux euphémisme. Ses cheveux étaient emmêlés, d’un blanc irréellement immaculé, raides comme des queues de rat. Son visage avait un teint cireux, ses yeux n’avaient plus de couleur et étaient enfoncés, et elle avait la peau sur les os, comme sur tout son corps d’ailleurs. Ses ongles étaient immenses, ses habits en haillons.

    Normalement, il ne fallait pas juger les gens à leur apparence, car elles étaient régulièrement trompeuses. Mais là, Stefyan eut un élan de dégout, et fit un pas en arrière, surtout au moment où elle se jeta sur lui.

      « La fille de l’été est en danger ! » hurla celle-ci, d’une voix folle, ses yeux tournant dans leurs orbites.


    Apparemment, il n’y avait pas que sa voix qui était folle. Et Stefyan aurait jamais cru qu’elle aurait pu être plus effrayant la bouche fermée que ouverte. Elle donnait l’impression d’un cadavre sorti de terre, qui avait une soudaine mission d’une maléfique entité.

      « Euh… Oui, c’est très bien madame… euh… improvisa-t-il comme réponse, la trouvant extraordinaire voyant ce qu’il se déroulait sous ses yeux.

      - Inconscient ! Elle vient d’embarquer dans un destin sans pareil ! Par deux fois, elle échappera à un incroyable sort, mais à la troisième…

      - Elle… vient d’embarquer ? répéta-t-il, réalisant soudain qui cela pouvait être.

      - Seul un amour impossible la sauvera ! continua la vieille folle, s’accrochant soudain aux vêtements de Stefyan, lui arrachant une exclamation de surprise.

      - Mais vous êtes malade ! Lâchez moi bon sang ! Je ne sais pas de qui vous parler. S’il vous plaît ! »


    En réalité, il savait très bien de qui elle voulait parler. Non, il ne voulait pas savoir en réalité. Malgré sa demande, la vieille femme refusait de le lâcher, toujours prise dans son horrible folie. Au moment où il lui attrapa les poignets et la décolla de son vêtement, elle se figea, et le regarda, les yeux dans le vague. Seules ses lèvres bougeaient.

      « Elle… ne… doit… pas… savoir… pour… accepter… son… destin… »


    Et elle rendit l’âme. Là. Comme ça. D’un coup. Comme si cela était... normal.

    Stefyan resta planté là, les yeux écarquillés, fixés sur le corps sans vie qu’il tenait dans ses mains. Il était trop tard. Kietah était née un matin d’été, et n’avait jamais supporté l’hiver. Le froid. C’était d’elle dont-elle venait de parler. C’était quoi, une blague ?

    Milton se planta devant lui. Stefyan regarda le jeune équidé et vit dans ses yeux équins la lueur d’intelligence et de questions, prouvant qu’il avait tout compris. Et il eu soudain peur, très peur, pour son amie.

    Dans quoi s’était-elle embarquée ?




Bah voilà...


Dernière édition par Kietah le Dim 11 Mar - 15:52, édité 2 fois
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Message  Theoken Jeu 1 Mar - 20:23

Jolie, mais faut continuer l'histoire!!!
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Message  Arathorne Dim 4 Mar - 15:49

superbe Smile une suite j'en suis sur Smile

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Message  Kietah Dim 4 Mar - 23:53

^^'
Soit, une suite, je suis motivée Smile Mais ça fait un bail qu'elle est écrite Wink

Chapitre 1

« Comme la nuit paraît longue à la douleur qui s’éveille…» Horace


    Sa silhouette menue se détachait, totalement recourbée sur elle-même. On se demandait ce pourquoi une telle créature se trouvait ici : maigre, essoufflée, son arc posé sur le sable, elle n’avait rien d’une fière elfe qui pouvait se dressait prochainement sur un champ de bataille.

    Pourtant, c’était bien le but que Kietah s’était fixée.

    Son corps était totalement endolori, ses muscles la tiraillaient, son visage était complètement trempé, sa respiration bruyante et rapide. Elle sentait les rayons brûlants du soleil qui tapaient avec violence sur sa nuque, l’assommant encore plus, et les gouttes de sueur qui perlaient et coulaient le long de son échine, sa tenue collée à sa peau. Elle résistait avec force pour que ses jambes ne tremblent pas de fatigue.

      « Êtes vous prêts ? »


    Kietah releva la tête et fixa l’elfe contre qui elle devait se battre. Ce n’était justement pas une créature sylvestre, mais un Alturien, le nom de la race humaine qui cohabitait avec les elfes. C’était, de surcroît, un guerrier - il fallait qu’on l’achève par un guerrier, c’était cela ? Elle sentait son cœur battre à ses oreilles tant elle était épuisée.

    Elle venait d’enchaîner un combat contre un mage, qui ne semblait pas très doué, et une archère, vraiment excellente, contre laquelle Kietah avait vaillamment perdu. Enfin, c’était les deux ennemis qu’elle avait retenus. Elle avait bien d’autre combats, tous enchaînés. Tous éprouvants. Alors pourquoi cet entraîneur tenait tant à ce qu’elle fasse ce dernier match ? Tout son être réclamait un hurlement, un mot qui franchirait ses lèvres, un « non » d’indignation. Ce « non » qui lui permettrait de reprendre un peu l’air, souffler enfin.

    Kietah hocha légèrement de la tête pour montrer qu’elle était prête.

    Elle ferma les yeux, inspira un bon coup, soupira, serra les dents et se mit en position de combat. Des crampes monumentales l’empêchaient de se fléchir et se relever correctement. Même si son corps tout entier hurlait qu’il fallait qu’elle arrête, qu’elle baisse les bras, qu’elle achève, qu’elle montre qu’elle ne tiendrait pas le coup, elle restait là, debout, fière et droite, dents serrées. Elle était si proche pourtant de tout lâcher.

    Une douce lumière violette vint l’entourer, et elle l’accepta. Elle entra en elle avec chaleur, et la jeune femme l’accepta un plaisir immense. Le guerrier en face aussi l’accepta. Sans cette intervention magique, les jeunes apprentis étaient condamnés à se battre avec des morceaux de bois, et les archers contre les mannequins de paille. Avec l’accord des combattants, elle évitait coups mortels et soignait certaines blessures - mais ne protégeait pas des horribles bleus qui suivaient une violente attaque.

    Kietah attrapa la corde de son arc à deux doigts, mais ne la tendit pas. Pas encore. Il fallait juste attendre l’ordre. Peut-être espérait-elle aussi que l’entraîneur ait pitié d’elle. Ses bras étaient engourdis, et elle fléchit un minimum sur les jambes, pour gagner un petit peu de souplesse…

      « Partez ! » tonna la voix grave de l’entraîneur.


    Elle bondit en avant, pur réflexe. Elle n’avait pas réfléchi, elle avait oublié que les archers avaient l’avantage de la distance. Une erreur qui cella rapidement le combat. Kietah tendit la corde de son arc. Elle envoya une flèche qui racla l’oreille du guerrier, ce qui le déconcentra un instant. Elle en profita pour tenter de lui faucher les jambes et le mettre à terre. Il fut surpris, tomba, et se releva très rapidement (elle n’avais aucune chance, son adversaire était bon et en forme). Kietah en avait profité pour essayer de reculer, gagner un peu de distance, mais il avançait si rapidement qu’il ne laissa pas le temps à Kietah de tenter d’ajuster un tir ou quoi que ce devait. Elle devait reculer, encore et encore, et se retrouva rapidement aux limites de l’arène. Il la désarma d’un geste de l’épée.

    Elle n’avait aucune chance de réussir. C’était joué d’avance, et le sourire satisfait de l’entraîneur (que Kietah, concentrée sur son combat, n’avait pas remarqué) prouva qu’il était parfaitement conscient de l’issue du combat. La fatigue l’empêchait d’être souple, et sa tentative était complètement raide, dénuée de toute fluidité, force et rapidité.

    Elle dégaina l’espèce de poignard qui servait aux archers en combat rapproché et évita une attaque sensée atteindre sa tête dans une mouvement de défense tel que l’arme courte de l’archère laissa un long trait ensanglantée sur la joue droite du guerrier. Mis à part cela, la danse de la jeune femme n’avait aucun effet de surprise : le guerrier en face l’attendait, et parait ses coups avec aisance. Elle parvenait tout de fois à bouger un peu de là où elle était et puisa dans ses dernières forces pour courir.

    Kietah parvint à mettre un peu de distance entre elle et le guerrier. Elle avait l’impression qu’à chaque seconde, elle risquait de recracher poumons et tripes tant elle avait de difficultés à respirer, mais elle continua de courir un peu, avant de s’arrêter d’un coup et de se retourner, pivotant sur l’une de ses jambes : elle lança soudain son poignard en direction du guerrier.

    Si elle avait eu un peu de chance, celui-ci se serait dirigé dans sa tête, la gorge ou la poitrine de son adversaire, et elle aurait gagné ce combat. Mais de la chance, elle n’en avait pas en cet instant, et il ne fit que partir vers la main désarmée du jeune homme et s’y enfonça. Il poussa un cri de douleur, mais il n’abandonna pas : la fureur grandit même dans ses yeux. Il bloqua le chemin entre la jeune femme et son arc, ne quittant pas la jeune femme des yeux qui ne pouvait plus rien faire.

    Elle se jeta sur les genoux, mains levées.

    Le combat s’était fini, et elle avait perdu.

    Kietah resta là, agenouillée, ses bras rabaissés quand elle fut sûre que le combat était fini. La magie la quitta, quitta son adversaire et on entendit le poignard retomber au sol, suivi du soupir soulagé du guerrier. La douleur avait disparu, même si il la ressentait encore au fond de lui, et ne l‘oublierait pas.

    Elle ne pouvait penser à autre chose que la douleur intenable de ses muscles, la chaleur cuisante du soleil et celle de la défaite; et cette soudaine envie de disparaître. De se cacher, loin, très loin. Elle avait toujours su que ce serait dur, depuis le premier jour où elle s‘était engagée. Elle s’était crue prête à tout affronter, tant que sa volonté ne déclinerait pas. Mais on l’avait sans cesse sollicitée, bien plus que ses camarades, pour des tâches sans raison. Et ce, depuis quatre ans. Ces quatre années où elle avait décidé de suivre cette route, sa route. Aucun des autres apprentis ne souffraient autant qu’elle, elle le savait.

    Quatre ans.

    Quatre ans pour s’entraîner à être choisie, le lendemain, où les six entraîneurs décideraient qui seraient leurs apprentis. Comme chaque année. En effet, Kietah avait choisi de devenir archère, mais serait-elle une chasseuse ? Ou une tireuse d’élite ? Intérieurement, elle espérait être chasseuse. L’idée de pouvoir se dissimuler la plaisait assez, et de pouvoir adopter un animal pour l’aider également.

    Enfin, encore fallait-il qu’elle soit choisie. Le critère de sélection ? Des combats, encore des combats, toujours des combats, sous l’œil impitoyable des six entraîneurs, chacun dans sa propre spécialité… A croire que depuis sa naissance, elle n’avait jamais cessé de se battre. Contre tout - contre tout le monde. Et contre elle-même, pour prouver qui elle était.

    Si elle râlait, en ce moment, parce qu’elle se battait sans cesse, alors pourquoi avait-elle sacrifié ces belles années à apprendre à combattre, justement ? Jamais elle ne comprendrait. Jamais elle ne se comprendrait. De toute façon, tout se jouerait demain. Si jamais elle passait, et qu’elle était chasseuse en plus, alors elle porterait les couleurs de son royaume, le représenterait et se battrait pour lui.

    Et si jamais Kietah ne passait pas, alors elle deviendrait une gentille petite femme aimante et aimable. Cette idée l’horrifia en quelques sortes, avant de la faire sourire, malgré tout. Elle, gentille et agréable ? Non, jamais. Jamais elle ne pourrait être comme ça. Si peu de voies s’offraient à elle. Elle ne pouvait que passer, n’est-ce pas ?

      « Kietah ? Ca va ? »


    Kietah revint brutalement à l’instant présent et releva la tête, ouvrant les yeux. Elle avait senti une ombre se dressait entre les rayons chauds et lumineuse et elle, et vit le visage souriant de Danniel, son ami, le seul apprenti qu’elle réussissait à supporter.

      « Oui, oui je crois… répondit la jeune elfe, se redressant sur ses coudes.

      - D’accord. Viens, il faut qu’on rentre se reposer pour demain… »


    Kietah se redressa et se releva. Ce sable, accumulé aux courts des combats, commençait à devenir désagréable, surtout quand les grains se glissaient sous les vêtements et collaient à sa peau, rappelant leur présence à chaque pas que l’archère faisait. C’était très inconfortable.

    Danniel était un grand bavard. Gentil, mais de temps à autre un peu collant. Il se défendait pourtant très bien, et en combat singulier on ne le reconnaissait plus de son attitude de tous les jours. Un certain silence gêné s’était installé, mais son côté parleur revint rapidement :

      « C’est dommage, je trouve que tu as très bien combattu. C’est vrai que l’entraîneur est dur avec toi, mais tu t’en sortais bien ! J’espère que tu seras choisie demain. Et moi aussi. Et… »


    Kietah venait de décrocher du monologue qui s’ensuivit. Son regard se promenait à l’est d’Ilreah, où coulait une cascade magnifique. Les fois où la jeune elfe avait pu se détendre à côté étaient nombreuses, et elle ne s’en laissait pas. Mais ce soir, elle ne pouvait pas. Même pour une dernière soirée, il fallait absolument qu’elle rentre.

    Les apprentis combattants logeaient dans deux bâtiments différents - l’un pour les femmes, l’autre pour les hommes. Ils étaient complètement basiques, neutres, ni beaux, ni répugnants. Juste… simples. Et c’était exactement ce dont Kietah avait besoin. De calme. Elle salua son ami et partit en direction de sa chambre. Au loin, le soleil commençait à se coucher, signalant qu’il était l’heure de manger.

    La jeune elfe n’avait pas l’intention de manger.

    Elle grimpa les marches doucement. De l’extérieur, avec ses sourcils froncés, et cet air concentré sur le visage, on aurait pu croire qu’elle réfléchissait, mais, au contraire, elle faisait tout pour ne pas réfléchir.
    Elle n’accorda aucun regard aux gens qu’elle croisait, les méprisant en quelques sorte. Elle n’avait aucune envie de parler, elle n’en avait jamais eu vraiment envie. Elle s’était faite louve solitaire depuis le début, et s’y plaisait. Personne ne la dérangeait, et elle arrivait à contrôler cet élan de solitude grandissant sans son cœur. Après tout, elle avait toujours été seule…

    Elle arrivait dans le dortoir, vide en cette heure de repas, et repéra sa couche au fond. Quinze lits, pour une dizaine de femmes prétendantes à être de futures combattantes. La jeune elfe passa sur les détails et s’approcha de son lit, sur lequel elle se jeta. Et, sans un mot ni geste, elle s’endormit, sombrant dans le sommeil comme seule une souche pouvait le faire (dans la mesure où une souche peut sombrer dans le sommeil…).



    » Noire. La nuit est noire, la nuit est belle. Même sans sa lune dans le ciel, elle est belle comme l’est toutes ces choses belles et terribles qui nous enveloppent et nous étreignent par leur grâce avant de doucement nous entraîner dans une danse qu’elles seules mènent et gagnent, à la fin.

    Et lui file comme une ombre, cavalier de cette danse qui l’apprécie et lui laisse certains avantages. Il voit sans voir toutes ces maisons, il pense sans penser à sa mission, il tient sans sentir cette terrible dague blanche dans sa main. Bientôt, il arrivera à la maison de la femme-elfe. Elle a été sotte, et il le lui fera payer. Cela fait des années qu’il se prépare à cela, et il lui faut encore des années avant d‘y arriver. Ce n’est pas une pauvre mortelle qui l’empêchera d’accomplir son but.

    Elle allait payer d’avoir osé se dresser sur son chemin. Il l’ajoutera à son tableau de chasse, prendra sa mèche de cheveux et filera. Se sera si simple qu‘il pourrait en rire, si il savait encore comment faire.

    Il voit la maison, de loin. Une fenêtre est éclairée. Il atteint la porte d’entrée avec toute cette discrétion qui lui est propre. Ses doigts effleurent la porte. Il compte tuer chaque être vivant sur son passage. Il sera leur dernière vision, leur dernier espoir. Ce n’est pas la première famille touchée, mais bien la dernière. Il le sait, c’est-ce que dit la prophétie. Soit, même si il considère ce texte de légende comme quelque chose de sérieux, rien ne peut l’empêcher de continuer. Pas même les dieux.

    Ces êtres pathétiques ne valent rien. Ils font peur aux mortels par leurs légendes, leurs prophéties, pour pouvoir vivre encore : un dieu ne vit que parce qu‘on croit en lui. Mais ils ne font que les manipuler, jours et nuits, s’amuser avec leurs consciences, leurs cœurs. Il n’aime pas les dieux. Il les déteste.

    Alors, doucement, il pousse la porte. La maison est endormie, si ce n’est les quelques rayons vacillants de la lumière de la lune qui filtre sous une porte, à sa droite. Elle est dedans. Un sourire satisfait emplit son visage, et il avance, doucement, sur la pointe des pieds. Tout messager se veut discret.

    Lui, était le messager de la mort en cette heure, et le messager de l’espoir en d’autres heures qui suivront.
    Il regarde son arme. Cette dague magnifique, en une matière venue d’autre-monde, est l’empreinte d’une nouvelle ère sur cette terre. Cette terre continuellement déchirée par les combats futiles entre trois royaumes, dont leur haine est établie sur des intérêts trop personnels. Cette dague est blanche. Le sang qu’elle verse ne la souille jamais et la laisse immaculée. Rien ne la brise, ne la casse. Elle est éternelle, représente l’éternité : à la fois courte et forte. A la fois rayonnante mais triste. Elle est aussi vieille que fiable : aucune magie ne sauver de ses blessures mortelles si son Maître frappe bien.

    Et ce soir, elle frappera bien.

    La main serrée sur l’arme, il avance. Le plancher grincerait, si ce quelqu’un d’autre que lui le foulerait. Sa longue robe sombre fend l’air, son sourire carnassier éclaire toujours son visage. Il arrive devant la porte de sa victime. C’est à la fois de la joie et de l’agacement qui l’emplit, car il a tant d‘autres choses à faire. Il tend sa main non armée, paume tournée vers le ciel, et murmure quelques paroles avant de la refermer et la tourner vers le sol. La pièce devient noire, il a aspiré la lumière, qui brûle en une flamme bleutée dans sa paume.

    Une cri étouffé et de petits pas paniqués retentissent. Elle sait ce qui l’attend. Il enfonce la porte. Elle est bien là, debout, silhouette fière mais frêle. Lui voit tout ; elle ne voit que cette robe noire quelque peu éclairée par une flamme bleue. Elle est résignée. Elle sait ce qui l’attend.

    Ses yeux verts sont à la fois calmes et apeurés. Ses traits sont tirés, creusés par les nombreuses nuits blanches, son teint pâle, très pâle. Elle ressemble à un pauvre lapin trop chassé, maintenant acculé dans une crevasse où il regarde son prédateur. Son cœur frappe si fort, encore prêt à vivre, qu’il l’entend.

    Boum, boum.

    Il est le messager de la mort.

    Il avance, lentement, sûrement, vers sa victime. Elle ne bouge pas, résignée. Elle ne veut qu’il soit intéressé que par elle, et il l’est. La flamme bleue éclaire toujours une maigre partie de sa robe, de lui, qu‘elle sache à quelle distance est la mort.

    Et soudaine, il frappe.

    Le coup est rapide, net, calculé. Il lacère l’épaule gauche de la femme, lui arrache un cri silencieux, changé en soupir. Sa famille ne l’entendra pas. Ils dorment tous profondément. Il sourit, encore plus quand il frappe son deuxième coup à la jambe. Elle s’écroule, pleure de douleur. Se comporte comme une femme. Lui n’aime pas les femmes.

    Elles vous charment, vous tuent, jouent aux créatures innocentes pour mieux dérober vos vies, pour que vous ne voyez qu‘elles. Lui n’en veut pas. Il ne ressent aucune compassion pour la pauvre créature à ses pieds. Il regarde sa dague, ignorant totalement la femme-elfe. Son arme est blanche, aucune trace de sang, alors que celui de sa victime coule abondamment au sol. Il rit.

      « Vous pouvez me tuer, je serai vengée… » souffla-t-elle.


    Il se tourne vers elle. Elle ose en plus le déranger dans un moment crucial. Ses sourcils se froncent : elle connait la prophétie. Et alors ? Aucune prophétie lui fait peur : tôt ou tard, l’une d’entre elle ne sera pas réalisée, et ce sera celle là. Il dit d’une voix grave, froide, sortie d’un autre monde :

      « Qu’importe. Il sera là. »


    Et puis, agacé, il porte le dernier coup, crucial. Il sent ce souffle de résistance percer ses lèvres, s’échapper, emportant avec lui la vie. Il retire sa dague, toujours parfaitement blanche, et repart. Ce travail là est terminé.
    Et alors, il disparut, par la porte.

    Et l’enfant ne bouge pas.

    Elle a tout vu, roulée en boule, dans cette armoire. Elle pleure. Elle ne peut rien faire de plus. Elle a très froid, et il fait noir. Elle est seule.


      ]« Maman ! Maman, non, ne me laisse pas ! » pense-t-elle, avec tout le courage du monde pour ne pas se précipiter vers elle.


    Elle tremble de froid, sent la vie de sa mère la quitter, dans le noir, mais n’ose pas pleurer. Elle n’a pas droit de faire de bruit, sa maman le lui avait dit. Avant qu’elle ne doive s’enfuir. Alors elle reste là, tremblant.

    Il fait noir. Elle a peur. Elle a froid. Elle oublie. Elle oublie…
    «


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Message  ortanos Lun 5 Mar - 12:49

la suitteee !!!! Very Happy, duper recit kikininenounette
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Message  Kietah Sam 10 Mar - 3:04

Bonne lecture ^^'

Chapitre 2

« Qui livre un plus rude combat que celui qui s'efforce de se vaincre soi-même ? » Gérard de Groote.


      « Cela fait quatre ans que l’on vous initie. Durant ces quatre années, vous avez éprouvé la dureté de l’entraînement, des combats, de la chaleur, mais tout cela, ce n’est que rigolade comparé à ce qui vous attend, au delà des hautes murailles blanches de Syrtis. »


    Ils étaient tous là, un genou à terre, face aux gardiens des villes d’Ulren Asir et Ilreah. Têtes baissées, un silence de mort régnait à la suite des paroles du général des Gardiens, Kedae Rindgel, un silence à la fois fasciné, résigné, accepté. Cet homme respirait bonté et respect. Sa voix était grave, rassurante, et pourtant, quand il parlait, on sentait que derrière lui s’étaient écoulées des années de combats et d‘expérience. Grâce à son ton, il emmenait n’importe qui au milieu de combats extraordinaires. Il savait de quoi il parlait.

    Ce n’était pourtant « qu » ’ un Gardien.

    En effet, les armées alsienne, ignisienne et syrtisienne se décomposaient en deux catégories. Réaction identique dans les trois royaumes, les Altars, ou saves, n’acceptaient malheureusement pas tous les combattants. La façon de se battre se développa donc différemment entre ceux qui étaient choisis par ces piliers magiques, qui permettaient de se rendre en un endroit sûr, et ceux qui ne l‘étaient pas mais dont on avait tout autant besoin. Il en existait un par ville principale, et chaque royaume en possédait un en zone de conflits, férocement défendu de jour comme de nuit. Les membres de l’armée d’élite pouvait ainsi avoir un entraînement plus poussé et pouvoir risquer plus de choses, leur rôle différent de celui des Gardiens, même si ces colonnes sacrées ne sauvaient pas de la mort en cas de graves blessures.

    Kietah se demandait si être Gardien n’était pas plus glorieux après tout. Ces hommes et femmes se battaient avec autant de fougue et de courage que les membres de l’armée d’élite, mais ils ne disposaient d‘aucun avantage autre que leur volonté. Aucune spécialité ne leur était proposée. Pourtant… Kietah souhaitait réellement être chasseuse. Et elle se battrait pour l’être.

    Et la première étape s’était déjà déroulée.

    Elle jeta un regard à Danniel, mort de peur à côté d’elle (elle n’en menait pas plus large ceci dit), et aux apprentis qui avaient formés un groupe de leur côté, loin de ceux qui étaient agenouillés. Ils étaient groupés, et se soutenaient silencieusement. Elle reconnut quelques visages.

    Ils n’avaient pas été acceptés par les saves.

    Kietah déglutit, détourna le regard et se concentra à nouveau sur le discours de l’homme face à elle.

      « … que ce soit moi, chef des Gardiens et non de l’Armée d‘Elite, qui vous parle de l’épreuve qui vous attend. Enfin, mon ami Erirar est actuellement occupé à Herbred. Le fort est assiégé sans fin depuis maintenant deux semaines. »


    Il se stoppa là.

    Erirar d’El-ther. C’était Lui. Un barbare au nom connu, reconnu et respecté, chef de l’Armée d’Elite et des armées tout court. Cela faisait bien cinq ans qu’il était à la tête des armées de Syrtis, et avait bien plus de pouvoir que le Seigneur qui gouvernait Syrtis, mais la politique l’intéressait peu : il vivait tel un soldat, auprès des siens.

    Kietah se souvenait l’avoir déjà vu : ce jour là, il était venu donner le métal précieux de magnanite à son père. L’image de cet homme était resté à jamais gravé dans sa mémoire, comme le nom qui lui correspondait. Elle entendit quelques apprentis autour d’elle qui retenaient leurs respirations.

      « Il est facile de citer de grands noms, continua Kedae. Mais les grands noms d’aujourd’hui ne seront plus que des souvenirs demain. Sachez que vous ne combattez pas pour la gloire, comme de nombreuses histoires le rapportent naïvement, ni pour l‘honneur, car il ne vous sauvera pas la vie, mais juste pour votre royaume, et, croyez moi, c’est suffisant. Trop rêverait de continuer à le défendre aujourd’hui, si seulement ils peuvent encore rêver. Maintenant, c’est à votre tour de prouver votre valeur. Vous ne serez jugés que sur votre façon de vous battre, les combats ne se termineront pas pour qu’il n’y ait ni vainqueurs, ni vaincus. Parce que ceux d’entre vous qui seront choisis perdront à l‘avenir. Souvent. Ce qu’il faut, si on le peut toujours, c’est savoir se relever. Savoir bien encaisser pour mieux renvoyer. Savoir encaisser pour pouvoir renvoyer. Les combats s’arrêteront à la première goutte versée. »


    Il fit un signe de la tête, et se retira. Les six entraîneurs s’avancèrent. Cette année, ce furent ceux de la ville de Fisgaël qui furent choisis pour s’occuper de l’apprentissage de leur spécialité aux « élus« . Être archer, mage ou guerrier n’était qu’une question de choix personnel. Mais devenir chasseur, tireur d’élite, maître sorcier, invocateur, barbare ou chevalier, c’était une toute autre affaire. Selon les qualités démontrées lors des combats, les entraîneurs débattaient et choisissaient.

    Arenatan s’occupait des Maître Sorciers, une spécialité des mages qui permettait de reconstruire des portes, déstabiliser à lui seul toute une armée entière et maîtriser les éléments alentours, affaiblissant leurs ennemis de manière considérable. Seulement, ils étaient très peu protégés et très vulnérables.

    Balderic était l’entraîneur Barbare. Une classe au corps à corps qui, tels des taureaux, posséder de puissantes armes et détruisaient ce qui était à portée d‘arme. Ils étaient intouchables lorsqu‘ils étaient furieux. Erirar était un barbare, pour ne citer que lui.

    Altariel apprenait son art aux Tireurs d’Elite. Une classe difficile d’archers qui avaient une vision, une précision et une dextérité très développées, ce qui en faisaient des adversaires terribles qui tiraient de loin et rataient rarement leurs cibles. Comme tous les archers, ils possédaient une dague pour le corps à corps, et même si ils étaient très peu résistants à courte distance, ils se défendaient très bien avec leur arme blanche.

    Illiria enseignait la spécialité d’Invocateur. On les appelait invocateurs, puisqu’ils pouvaient faire apparaître toutes sortes de créatures, mais en réalité, leur lien avec les dieux leurs permettait de soigner leurs coéquipiers. Ils étaient précieux, car sauvaient de nombreux combattants de la mort, mais était une cible de choix, n‘étant que trop peu résistants.

    Backis, lui, était un chevalier. Une spécialité dotée d’une grande force pour supporter les lourdes mais protectrices armures sur leurs épaules et qui passait souvent en premier pour encaisser les coups - c’était eux qui les supportaient le plus facilement. Ils encourageaient aussi leurs alliés, leur permettant de continuer malgré la lourde fatigue des combats.

    Et enfin, Seamus. L’entraîneur des chasseurs. Des archers très proches de la nature, à telle point qu’elle leur permettait de se dissimuler entre ses branches, ses troncs, et de paraître invisible. Ils entretenaient également un lien particulier avec les animaux et arrivaient à en adopter, les rendant aimables et fidèles. Ils étaient généralement souples, mais ils n’étaient pas entraînés à tirer fort et loin. Néanmoins, leur incontestable souplesse les sortait la majeure partie du temps d’affaire.

    C’était le choix de Kietah. Elle voulait devenir chasseuse.

      « Que Messieurs Raran et Cosu se mettent en place s’il vous plaît. »


    Les combats allaient débuter.

    Tous ceux qui pouvaient combattre étaient mis de côté. Les entraîneurs concernés, c’est-à-dire Balderic et Backis, par ces deux guerriers, les fixaient. Ils ne semblaient pas très convaincus par leurs performances, mais ne dirent rien tout au long de l’échange. Le combat terminé, Kietah regarda autour d’elle.

    Ils étaient encore vingt-huit en lice.

    Combien de combats passèrent encore ? Elle n’en avait aucune idée. Elle attendait, fixait sans voir ces hommes et femmes se battre pour un futur auxquels ils croyaient. Tous.

    Elle aussi.

    Quand ce fut au tour de Danniel, elle s’éveilla.

    Le jeune guerrier souhaitait devenir chevalier. Il tremblait, tel un enfant de cinq ans, à côté d’elle, murmurant sans cesse qu’il n’y arriverait pas. Quand il se leva, Kietah était persuadée qu’il avait dépensé la moitié de son énergie à désespérer. Elle soupira et le regarda s’en aller.

      «  Bonne chance ! » l’encouragea-t-elle avant qu’il n’entre dans l‘arène.


    Elle observa son combat avec attention et fut bien surprise.

    Danniel n’avait rien de gentil, comme à son habitude. Kietah n’avait jamais fait attention quand il se battait auparavant contre elle, ou alors faisait-il exprès de ne pas l‘être, mais il était féroce et sans pitié. Il attaquait, parait, esquivait son adversaire, sans faire la moindre erreur, avec une habileté incroyable. Il exécutait ses gestes en une mortelle danse, et son adversaire, aussi courageux fut-il, ne put rien faire.

    C’est là que Kietah se rendit compte qu’elle n’avait jamais observé son ami avec l’attention qu’il méritait. Elle le voyait toujours comme le jeune homme à peine sorti de l’adolescence qui, le premier jour, lui était tombé dessus - au sens propre du terme. Maladroit, naïf, gentil. Le genre d’hommes qui ne tenaient pas longtemps dans une voie pareille. Alors qu’elle, elle avait été là, debout, droite et fière, renfermée et prête à encaisser chaque coup. Moral ou physique.

    Et Danniel avait pris exemple, s’appuyant sur la fierté et la franchise de son amie. Avait choisi d’évoluer, à son tour. Et quand elle le vit, là, aujourd’hui, elle avait l’impression de ne l’avoir jamais vu auparavant.

    Le combat s’arrêta vite, et Kietah lança un regard à Backis, qui acquiesça, une lueur de satisfaction dans ses yeux. Elle réussit à être contente pour son ami quelques instants, avant de se concentrer à nouveau sur ce qui l‘attendait, elle.

    Une voix la sortit soudainement de ses pensées.

      « Veis et Kietah s’il vous plaît. »


    Elle déglutit. C’était à elle de se battre. Et le nom lui était familier. C’était celui de la dite archère douée contre qui elle avait perdu hier, juste avant de combattre face au guerrier.

    Kietah bondit sur ses jambes et se sentait prise de nausée. Le soleil était aussi violent que la veille, et elle sentit sa tête tourner.

    Elle serra les dents. Non, elle ne devait pas arrêter maintenant, et surtout pas à cause de cette peur grandissante qui oppressait sa poitrine ! C’était son jour, son jour J. Elle n’avait aucun autre but dans la vie, et n’allait pas se laisser impressionner pour si peu. Elle fit quelques pas. Une légère brise se leva à cet instant, et elle sentit sa fraîcheur tout comme la chaleur des rayons du soleil.

    La chaleur, la lumière… Elle avait toujours été influencée par le temps. Elle ne se sentait réellement bien qu’en plein été, allongée, à profiter de la douceur et la chaleur des rayons.

    Cela la mit en confiance, et elle avança, tandis que la chaude aura violette pénétra son corps et la rassura.

    Elle serait chasseuse. Elle allait le prouver à Seamus qu’elle en était capable.

    Veis la rejoignit à son côté. C’était une grande elfe, de courts cheveux blonds et bouclés lui tombant en cascade sur les épaules, qui tiraient vers le brun. Elle fixait le centre de l’arène avec un regard dur, ses yeux gris figés en une expression déterminée.

    Lentement, elles s’avancèrent et saluèrent les entraîneurs. Kietah vit Seamus la regarder attentivement, et elle eut un sourire intérieur. Il s’intéressait à elle ! Les deux jeunes femmes s’éloignèrent et se saluèrent. Et se fixèrent. L’elfe se heurta à la barrière grise des ses yeux, et n‘arrivait pas à la contourner, ni à la forcer. Mais elle ne lâchait pas. Ainsi, c’est Veis qui détourna le regard en se mettant en place.

    Les doigts crispée sur l‘arc, Kietah attendit elle-même le signal. Elle réfléchissait. Comment avait vaincu l’archère hier ? Quelques images lui revinrent en tête. Les deux s’étaient d’abord tenu en respect, et avait surpris Kietah qui avait compris bien trop tard. Veis avait gagné le match grâce à cela. Et même si elle s’était démenée pour gagner, elle n’avait rien réussi à faire. Sur l’erreur de début.

    Le signal lui parvint, lointain. C’était parti.

    Première chose, lui faire croire qu’elle était tombée dans son piège une seconde fois. Elles se tournèrent autour, flèche encochée, mais Kietah feignit la lassitude. Elle ralentissait, montra à son ennemie qu‘elle s‘installait à son rythme, voire le ralentissait. Feignit une confiance incroyable, alors qu‘au fond d‘elle, la jeune Ambredor sentait son cœur battre la chamade. Une seconde… Deux secondes… Trois secondes… Cinq secondes…

    Veis bondit en avant.

    Kietah esquiva la première tentative de son assaillante, qui fut dans un premier temps déroutée, mais se remit en position avec une grâce et souplesse incroyable. Seulement, l’autre archère avait déjà regagné sa distance. Il lui avait fallu peu de temps pour comprendre que seule une certaine marge lui permettait d’avoir une chance de vaincre. Kietah tira une flèche mais loupa son adversaire.

    Avec l’agilité d’un chat, celle ci se retourna et tira sa flèche.

    Elle frôla l’oreille de Kietah qui, surprise, fit un pas de l’autre côté. Et, à son tour, tira rapidement une nouvelle flèche. Elle ne visa pas l’un des points stratégiques, mais arriva exactement là où elle l’aurait souhaité. La pointe fit une longue égratignure sur la joue de Veis. Un petit sourire satisfait apparut sur le visage de l’elfe, qui s’effaça quand aucune goutte ne coula.

    Veis chargea à nouveau, profitant du désarroi de Kietah, et fit voler son arc. Et celle-ci fit de même, dans un mouvement de défense tout en dégainant sa dague. Dans sa charge, elle faillit entailler l’épaule de Kietah, qui réussit tout de même à parer en quinte et la repousser.

    Collées l’une à l’autre, le combat continuait en une danse de coups, de parades et d‘esquives. Chacune avait trouvé le point faible de l’autre, et elle semblait plus faites pour se battre ensemble que séparées. Soudain, on vit Kietah voler en arrière, et le pied de Veis retomber en un bruit sourd qui fit. Son adversaire se releva, prête à continuer l’assaut.

    Elle n’en eut pas l’occasion.

      « C’est bon, ça suffit, tonna la voix de Kedae. Je pense que vous en avez assez montré. »


    Kietah soufflait, à même titre que Veis. Les deux se saluèrent, une lueur de respect partageant leurs regards, et sortirent de l’arène avec une même dignité et fierté.

      « C’était magnifique Kietah ! soupira Danniel quand l’elfe s’assit à côté d’elle, rapidement soignée par Iliria.

      - Ah ? Merci. »

    Elle se demandait ce qu’il s’était passé de spécial.

      « Toi-même tu as fait un très beau combat. C’était… incroyable ! » ajouta-t-elle avec un sourire sincère.


    Il en rougit jusqu’aux oreilles et détourna un peu la tête.

    Le sourire de Kietah s’agrandit et elle reporta son regard sur l’arène.

    Les minutes, les heures peut-être, elle ne saurait le dire, s’enchaînèrent. L’archère fixait, sans réfléchir, l’arène, regardant les combats avec une indifférence totale. Et Danniel l’observait de temps en temps, si calme, si tranquille, semblable à une statue, baignée par les doux rayons du soleil. C’était étrange de la voir aussi… neutre, presque apaisée. Elle semblait tout de même fière de sa prestation.

    Il poussa un soupir silencieux et entendit la voix de Kedae retentir au loin.

      « Les combats sont désormais terminés. Je vous prie de vous rassembler, le temps que nos entraîneurs rendent leur jugement. »


    Kietah se redressa d’un bond et Danniel détourna son regard. Pour le poser à nouveau sur l’archère, feignant la surprise. Il la vit lui jeter un regard mi-affolé, mi… affolé. Auquel il répondit par un sourire encourageant. Aucunement besoin de paroles. Lui-même avait un peu peur, mais ne dit rien. Il se leva en même temps que l’elfe et se rangea aux côtés des autres, comme demandé.

      « Bien le bonjour à vous, fit Balderic. Je me nomme Balderic, comme Kedae m’a présenté tout à l’heure. Je demande à Zale de me rejoindre, et puisse-t-il tenir jusqu’au bout de l’entraînement que je vais lui accorder… »


    Un jeune homme se releva d’un bon, le visage grave, ses yeux gris neutres et dénués de tout sentiment, toute émotion. Ses courts cheveux noirs en bataille étaient ternes également. Il était petit, mais son corps musclé se déplaçait avec habileté.

    Pourtant, Kietah ne se souvenait pas de son combat. Soit.

    Il regardait Balderic droit dans les yeux. L’entraîneur était fier et droit, et ne cillait pas. L’apprenti barbare s’agenouilla, humble, et l’ancien le salua d’un mouvement de tête avant que son élève ne se range derrière lui. Les deux silhouettes fières se ressemblaient étrangement.

    S’avançant à son tour, Backis survola toute la foule du regard. Kietah sentit Danniel à ses côtés se tendre légèrement. Elle le comprenait : c’était son dernier espoir. Et son choix. Devenir chevalier.

    L’entraîneur chevalier déclara d’une voix grave :

      « Bonjour. Mon nom est Backis. J’ai fait mon choix, et je vous le rends actuellement. Je demande donc à Danniel de me rejoindre. »


    Le désormais apprenti chevalier cligna des yeux avec la rapidité d’un hibou, fixant devant lui son désormais nouvel entraîneur. Si des soupirs de déception et mécontentement se faisaient entendre, si des regards envieux et mauvais fusaient vers Danniel, lui rejoignait avec allégresse, le saluant comme avait salué Zale.

    Illiria et Arenatan s’avançaient à leur tour, et choisirent leurs élèves, la première prit un certain humain nommé Delri et le second une demi elfe du nom de Sola. Plus le temps avançait, plus Kietah sentait ses entrailles se resserrer. Sentait le doute s’installer au fond d’elle-même, lui tordre les oreilles, et cette horrible petite voix lui murmurer sans fin qu’elle avait raté. Que Veis serait prise à sa place en temps que chasseresse. Non.

    Le moment fatidique arriva.

    Seamus s’avança à son tour. En tentant de le regarder, Kietah croisa le regard de Danniel, qui lui insuffla une vague de courage. Rapidement remplacée par cette boule grandissante. Le chasseur inspira et commença :

      « Le choix est dur. Enfin, partagé entre nous. Moi, Seamus, entraîneur chasseur, je n’aime pas avoir à choisir. Mais c’est fait. Je demande à Veis de me rejoindre. »


    Pendant une dizaine de secondes, Kietah ne vit rien. Ne vit pas le sourire satisfait de Veis sur son visage, qui contrastait avec son regard dur précédemment. Ne vit pas le regard désolé de Danniel. Elle n’entendait pas les commentaires courroucés, identiques à ceux qu’avait suscité son ami.

    Elle ne deviendrait pas ce qu’elle avait tant souhaité devenir. Elle ne serait pas chasseuse. La deuxième possibilité, celle d’être tireur, ne lui effleurait pas l’esprit. Elle deviendrait une Gardienne, à jamais dans l’ombre de Veis, qui avait, elle, réussi.

    Elle avait sacrifié les plus belles années de sa vie pour rien. Quatre ans où elle avait du sacrifier, les uns derrière les autres, sa famille, son foyer, sa vie. Animée par l’espoir innocent de réussir, d’être la meilleure, cette émotion de l’adolescence qui s’était estompée, devenant doucement en envie de se battre, en en simple espoir.

    Elle déglutit, et écouta d’une oreille distraite ce qu’Altariel déclarait.

      « C’est à moi de clore ce choix. Je suis du même avis que Seamus. Je n’aime pas choisir. Pourtant… Nous n’avons pas le choix nous même, n’est-ce pas ? Enfin… Je demande à Aser de me rejoindre… Mais, chose qui arrive, il ne sera pas seul à suivre. »


    Quelque chose, en cet instant, poussa Kietah à lever les yeux vers elle. Et croisa ce regard. Et remarqua que l’entraîneur ne l’avait pas quittée des yeux depuis le début. Et si une idée effleura son esprit résigné, animant la douce flamme de l’espoir, Altariel ne fit que la confirmer.

      « Kietah suivra, à ses côtés, mon apprentissage. »
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Message  Kietah Ven 13 Avr - 0:01

Je tenais, malgré tout, à préciser une chose. Dans cette histoire apparaissent naturellement des personnages, mais certains peuvent vous rappeler de véritables joueurs. En effet, je me suis inspirée de certains avatars pour créer ces personnages, mais ce n'est en aucun cas les personnes tels quelles. J'ai juste pris 2-3 caractéristiques. Donc me sautez pas dessus en disant : « Braaaaaah ! C'pas vrai, je suis pas comme ça ! » ou « Ahaha ! T'as utilisé lui pour faire ça ! ». Ces personnages sont devenus les miens, car tellement travaillés et façonnés qu'ils sont totalement différents de leur inspiration ^^ Quant aux personnages des autres royaumes, ils sont à 100% inventés Wink Merci de votre compréhension, et bonne lecture aux courageux !


Chapitre 3

« Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir. » Jean Jaurès


    L’après-midi était magnifique. Le soleil brillait, haut dans le ciel, et malgré la légère brise froide qui soufflait, il faisait vraiment chaud pour une première journée de printemps, presque digne de celle d’une saison chaude. Les habitants de Fisgaël vaquaient à leurs occupations habituelles pour les plus anciens, et les plus jeunes attendaient, impatients, à l’entrée Sud de Fisgaël, qu’arrivent les nouveaux apprentis combattants.

    Leurs murmures emplis d’une innocente illusion arrivaient jusqu’aux hautes fenêtres des appartements et faisaient sourire leurs mères, elles qui, au courant des nouvelles du Nord, n’y croyaient désormais plus.

    Il n’y avait pas de cérémonie officielle organisée à Fisgaël en ce jour, comme le pouvait croire un observateur extérieure.. Seule l’arrivée des apprentis combattants suscitait un tel engouement. Voir entrer ces jeunes gens dans leurs costumes de combat, l’épée, l’arc ou la bâton à la main, voir leurs entraîneurs, la tête haute, fière les existaient. Et Kedae Rindgel, dans sa fière allure, voire même Erirar de Myil, le grand Erirar de Myil ! - là résidait toute la magie de cette entrée à Fisgaël : ils étaient le rêve d‘un peuple qui, jour après jour, commençait à comprendre que leur destin était entre les mains de ces jeunes gens.

    Kietah fixait tout ce qu’elle pouvait voir du paysage alentour, sauf la ville, et redécouvrit un paysage qu’elle avait pourtant souvent vu lorsqu’elle n’était qu’une enfant.

    Rien n’avait changé. En quatre ans, pensez-vous, la nature est longue quand elle fait son travail. Pourtant, si ça avait du la laisser indifférente d‘habitude, elle n’y serait pas arrivée. Elle voyait l’herbe bouger sous l‘effet du vent, les papillons voleter, la vie continuer, et elle oublia tout à ne plus sentir le baluchon sur son dos et ressentir l’excitation qui traînait alentour, excitation qui ne la gagnait pas. Elle souriait, contaminée par ce sentiment qu’on a lorsque l’on parcourt à nouveaux les souvenirs de son enfance.

    Elle faillit percuter Altariel, devant elle, quand celle-ci s’arrêta juste à l’entrée Sud. Aser à côté d’elle, qui plus attentif, la fixait bizarrement, ce qu’elle ne remarqua pas, la jeune elfe avait surtout la chance d’avoir Danniel de l’autre côté. Ils s’échangèrent un regard. Là, elle sentit soudain une vive émotion lui enserrer le cœur, comme une répulsion, une envie de prendre ses jambes à son cou et s’enfuir. Elle se souvint comment elle était partie de Fisgaël, il y avait de cela quatre ans. Qu’étaient devenues ses sœurs, son frère ? Et son père ? L’accepterait-il, maintenant qu’elle avait son but, faire partie de l’élite de Syrtis ?

    Son seul réconfort, auquel elle ne pensait qu’ironiquement, fut qu’elle ne dormiraitpas chez el… lui ce soir, ni les soirées de ces prochaines années. Elle soupira.

    Danniel lui fit un franc sourire pour tenter de la soulager un peu, puis fit les premiers pas dans la ville, se mettant en retrait pour être sûr qu’elle n’hésiterait pas. Il connaissait son histoire, l’avait écoutée la conter aux heures sombres de la nuit. Son enthousiasme, ce ton à la fois résigné et révolté, à tel point qu’il n’avait jamais pensé la couper, pendu à ses lèvres. Et maintenant, il l’aidait un peu, et tenter silencieusement de l’encourager.
    Kietah n’hésita pourtant pas en entrant dans la ville.

    Son entrée fut, contrairement à ce que l’on aurait pu croire quelques temps auparavant, bien plus discrète que la précédente sortie. Tout simplement parce que la maison d’Altariel était la première, sur la droite, et que donc les enfants ne voyaient pas tant que ça les élèves tireurs d’élite. Peut-être fut-ce pour cela que la jeune elfe n’avait pas désiré l’être : cette classe en devenait plus mystérieuse qu’elle ne l’avait jamais été, ses apprentis n‘apparaissant jamais. Car elle avait souvent été comme ces enfants.

    Avait-elle une fois regretté d’être Marksman plutôt que Hunter ?

    La réponse immédiate aurait été que non. Après l’annonce d’Altariel, la jeune elfe avait tout d’abord fait impasse sur sa nomination. Si Danniel ne s’était pas écrié que c’était extraordinaire, jamais elle n’aurait marqué qu’elle avait été choisie. Quand elle était enfin revenue parmi eux, elle avait du se faire répéter vingt fois que ça y était, elle avait été nommée apprentie tireur d’élite.

    Et avait remarqué qu’elle ne connaissait rien à cette classe. Qu’elle avait été choisie dans la seule classe qui était totalement inconnue pour elle.

    Alors le seul sentiment qui avait pointé avait été la curiosité.

    En voyant Altariel avancer d’un mouvement vers son habitat, et Aser hésiter avant de la suivre, Kietah n’eut le temps que d’échanger un regard désolé avec Danniel avant de la suivre.

    L’ancienne archère s’arrêta face à une simple porte en bois (nda : je ne décris pas toutes les portes en bois non plus !) et passa sa main droite devant la serrure. Soudain, ses doigts s’illuminèrent un peu, attirant l’attention des deux jeunes élèves, alors qu’au loin montaient les cris des enfants ; la serrure se mit également à briller, et la porte se débloqua en un cliquetis aigu. Les yeux des deux apprentis s’agrandirent : comment Altariel pouvait elle faire de la magie, elle qui n’était qu’archère ?

    D’un signe de la main, sans se retourner, cette dernière les invita à entrer, ce qu’ils s’empressèrent de faire.

    Le peu de lumière qui pénétra dans la pièce carrée leur montra que, face à eux, montait un escalier de bois, qui semblait résistant, et pourtant assez âgé.

      « Fermez la porte à clef derrière vous, » demanda Altariel, toujours sans se retourner, sa légère tunique en cuir grinçant doucement, et Aser s‘exécuta, alors que Kietah ne quittait des yeux sa maîtresse.


    Lorsque cette dernière grimpa les marches, aucun craquement ne se fit entendre : contrairement aux deux jeunes qui, malgré tous les efforts qu’ils produisaient, firent un sacré raffut, peu aidés par le manque presque total de lumière (un léger rayon filtrait du mince trou sous la porte), qui s’arrangea au fil de la montée, pour déboucher dans une pièce totalement baignée de lumière.

    Rarement un appartement n’était aussi éclairé. Les fenêtres, tout juste taillées comme il le fallait, laissaient entrer tout le soleil qu’il était possible de laisser entrer. La pièce était simplement meublée, pourtant, avec cette luminosité, elle en devenait vraiment jolie. Une table, quelques chaises, la cheminée taillée dans laquelle brûlait un petit feu et au dessus de laquelle mitonnait une marmite et enfin un lit de paille, rustiquement installé dans un coin, fait d’un matelas qui n’était pas de paille a priori, avec une couverture de laine et un oreiller alors qu’Altariel s’affairait à en faire un deuxième.

    D’ailleurs, elle colla un matelas dans les mains de Kietah, et lui dit :

      « Tiens, file moi un coup de main. Installe cela dans un coin opposé à l’autre lit, » dit elle en prenant une porte sur la droite de l’entrée, et l’on y entendit les claquement de porte d’une armoire en bois.


    La jeune elfe se dépêcha d’installer le matelas (non loin de la chaleur de la cheminée, chaleur qu’elle avait toujours apprécié, même en plein été) et arriva devant la porte. Elle vit que cette pièce, assez spacieuse, était la chambre de la maîtresse de maison. Un lit double installé au fond de la pièce, vers le milieu, une fenêtre sur la gauche, et fixa l’armoire sur la droite, proche de l‘entrée, à l’instant où Altariel lui lança un oreiller et une couverture en laine (qui grattait un peu). Elle l’installa rapidement sur le matelas alors que sortait Altariel.

      « Donc, bienvenue chez moi, fit elle en souriant légèrement. Ce soir, vous mangerez avec moi, mais par la suite, vous prendrez la plupart de vos repas avec les autres, dans notre quartier sur Fisgaël. Vous serez avec les apprentis de votre génération, les nouveaux combattants étant déjà sur le front d’Herbred (elle fronça les sourcils de dégoût à cette pensée), mais également les vétérans bien trop vieux pour se battre, et les combattants actuels, pas à la même table, naturellement. Gardiens, membres de l’armée d’Elite… Il arrive souvent de temps en temps de croiser Erirar ou Kedae. »


    Elle leur désigna deux chaises sur lesquelles ils s’installèrent, la regardant silencieusement et avec respect, et elle en saisit une troisième, leur faisant à nouveau un sourire.

      « Je pourrais vous expliquer des choses à propos des tireurs d’élite, continua-t-elle, mais je souhaiterais connaître d’abord savoir si vous aviez des questions à propos de nous - vous désormais. Donc, des questions ? 

      - Oui,
      fit Kietah, car à vrai dire, elle attendait cela depuis le début. A quoi servent-ils en combat, et quels sont leurs qualités principales ? »


    L’ancienne la détailla de haut en bas, de son regard bleu foncé qui n’avait pas grande beauté, sauf cette sensation d’être regardée de l’intérieur. La détaillée eut un frisson, avant que son interlocutrice réponde :

      « Les marksmen, c’est leur second nom, tirent de loin, et assez lentement. Ils se concentrent réellement pour ne pas rater leurs cibles, et sont d’une précision incroyable. Malheureusement, nous ne sommes pas très résistants. Nous sommes là pour abattre en premier les ennemis les plus dérangeant, surtout quand il s’agit des mages et des archers. Nos premières cibles sont, à même titre que les chasseurs, les invocateurs, qui soignent, comme vous le savez. »


    Aser écoutait, silencieux. Kietah ne dit rien, et Altariel continua.

      « Nous ne sommes pas aussi proches de la nature, aussi agiles que les chasseurs. Nous, nous voyons de loin, nous visons de loin. Et nous possédons la magie. »


    Là, par contre, elle capta un peu plus l’attention de ses deux disciples. Surtout Aser qui, d’yeux fatigués, ennuyés, passa à des yeux éveillés et curieux. Très curieux. Elle sourit et continua, pour ne pas trop faire durer le plaisir.

      « C’est minime, comparée à celle que développe les sorciers. Mais elle est présente, en nous. Parce que vous avez choisi d’être archers, et non mages. Ce n’est pas pour autant que la magie qui aurait pu être développée en vous ne vous sera pas utile. Telle est la force des marksmen, et des knights. L’entraînement qui va suivre ces trois prochaines années sera dur, surtout que Kedae nous a prévenus que vous risquiez de commencer le combat… trop tôt. Avant même que je n’ai le temps de vous apprendre toutes les bases. C’est une vraie boucherie la première bataille des apprentis, parce qu’on n’arrive pas à rivaliser avec le nombre d’Alsius. Et encore, nous archers nous en sortons bien. Ce sont souvent les apprentis guerriers qui prennent le plus… »


    Elle soupira et détourna les yeux vers la fenêtre.

      « Je vous libère pour le reste de l’après-midi. Revenez ce soir, pour le repas, au coucher du soleil. Je pense que vous allez assez subir prochainement. »


    Et Altariel n’ajouta rien de plus, fixant la fenêtre, perdue dans ses pensées.

    Les deux compagnons sortirent, et Kietah inspira profondément, profitant de la chaleur du soleil contre sa peau.

      « Tu viens d’où ? lui demanda Aser.

      - Ici, répondit-elle, se faisant violence pour ne pas regarder sa propre maison.

      - Je m’en doutais un peu… Tu connais un bon coin où passer un moment tranquille ? »


    La jeune elfe réfléchit un peu, puis lui indiqua les hautes montagnes au dessus de la maison des nobles. Même si le vent était frais par là-haut, il suffisait de se coucher dans l’herbe et on ne sentait plus que les chauds rayons du soleil. Elle précisa également où se situait la taverne. Aser sourit et partit, disparaissant dans la foule d’habitants.

    Kietah soupira.

    Elle aurait bien souhaité retrouver Danniel, mais elle n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvait l’entraîneur chevalier, ni même si son ami était libre. Elle tourna son regard vers l’ouest. Avant de détourner les yeux, et de partir vers l’entrée Est de la ville.

    Elle avait quelqu’un d’autre à voir avant sa famille.

    Elle parcourait les rues d’une ville qu’elle connaissait par cœur pour avoir, comme tout enfant qui se respecte, gambadé entre les maisons quand elle était bien plus jeune. Et remarqua que rien n’avait changé malgré les années. C’était la saison où fleurissaient de magnifiques tlutias aux fenêtres, des fleurs bleues qui duraient toutes la saison du Printemps et se mourraient en Eté.

    Kietah continuait son chemin, comme plongée dans une rêverie, regardant les hautes maisons, montées sur des morceaux de bois. Plutôt que de tracer par le chemin le plus court, elle poursuivait sa promenade entre les ruelles. Elle ne croisait personne, mais s’en inquiéta peu. Aurait-elle dû se rendre compte que la ville était tristement vide ?

    Elle déboucha sur la place principale, juste entre la maison de Seamus, l’entraîneur chasseur qu’elle ne regarda pas, et l’entrée Est de Fisgaël.

    En regardant vers la place principale de la ville, on pouvait voir la bibliothèque sacrée de Porlas, où était stockée les documents les plus précieux de Syrtis. Le bibliothécaire était très protecteur envers ses archives, et jamais la jeune elfe, ni ses sœurs, n’avaient eu l’idée d’y mettre les pieds. Juste au dessus du bâtiment, on pouvait apercevoir les hauteurs de la dite maison des nobles, où résidait Ancalimon Jadescribe, seigneur de Syrtis.

    La jeune archère ne l’avait jamais croisé. Pourtant, il sortait régulièrement auprès de son peuple, et réglait toutes les affaires politiques et patrimoniales des différentes baronnies de Syrtis (barons qui avaient l’argent mais aucun autre pouvoir). Autant dire qu’il ne passait pas ses journées à s’amuser. Tout ce qui était militaire, l’activité principale de Syrtis, c’était Erirar qui gérait cela. Et Ancalimon lui en voulait profondément, c‘était connu.

    Parce qu’il avait eu ce pouvoir avant que le barbare ne devienne un grand combattant. Mais il s’était imposé avec une diplomatie et une habileté tellement incroyable que le Seigneur de Syrtis avait du léguer cette autorité, bien contre son gré, pour le plaisir du peuple et ses soldats.

    Malgré tout, cet homme gouvernait bien. Syrtis avait jusqu’alors connu une période de paix au sein du royaume, à tel point que les guerres incessantes qui se déroulaient au-delà des Hauts Murs Blancs ne concernaient aucun habitant syrtisien. Les terres étaient bien fertiles et les mœurs, bien légères.

    Kietah dériva tout de suite sur la droite, et sortit de la ville.

    Au loin, elle distinguait les poteaux de la barrière de l’enclos des chevaux de Stefyan. Elle sourit et accéléra l‘allure. Les silhouettes colorées des chevaux broutaient, fouettant l’air de leurs queues; et juste à côté de l’entrée de l’enclos se dressait une maison d‘où s‘échappait un peu de fumée. Tout semblait bien calme.

    Pourtant, à quelques mètres de l’habitat, des éclats de voix se faisaient entendre.

      « Non Monsieur le baron, je vous ai déjà dit que je ne vendais pas ce cheval ! »


    La porte de la maison s’ouvrit à la volée et apparut alors Stefyan sur le palier. Discrètement, Kietah s’appuya sur une clôture pour observer la scène, et son ami, par la même occasion, qui n‘avait pas changé d‘un pouce. La peau légèrement matte à force de travailler tous les jours dehors, à s’occuper des chevaux, elle contrastait avec ses longs cheveux blancs et ses yeux gris clair.

    Il tenait fermement la porte et fusillait le dit baron du regard, qui sortait avec cette attitude hautaine et aristocrate qu’ont certains nobles trop arrogants, et était lent à déplacer ses quelques kilos en trop.

      « Je vous ai déjà dit que j’étais capable de payer le prix que vous vouliez, semblait insister ce dernier baron alors qu’il sortait de la maison.

      - Il n’y a aucun prix pour ce cheval. Vous avez choisi le seul que je ne pouvais vous vendre. Je vous en ai proposés bien d’autres plus dociles qui puissent convenir à votre fille, et vous avez refusé. Alors ce n’est plus la peine de revenir. Maintenant, si vous voulez bien, j’ai quelques bêtes à soigner. »


    Et il indiqua la direction de Fisgaël d‘un simple mouvement de tête. Son ton était sans appel.

    La baron remit son col en place et, levant plus haut la tête (étant d’une taille assez moyenne, il semblait ridicule), il partit dans la direction indiquée par l’éleveur.

    Ce dernier poussa un profond soupir et s’appuya sur la barre de l‘enclos, suivit des yeux par une Kietah qui n’avait rien dit, rien fait, et qui semblait n’avoir pas été remarquée. Quelques secondes s’écoulèrent, avant qu’il ne murmure :

      « Que voulez-vous ? »

    Il n’avait même pas détourné la tête.

    Kietah éclata de rire, et Stefyan tourna les yeux vers elle, se demandant qui pouvait être cette cliente au rire facile (ou simplement qui pouvait bien se moquer aussi ouvertement de lui). Il posa son regard sur la jeune elfe, la détailla, et poussa soudain un cri de surprise.

      « Kietah ! »


    Le rire de l’apprentie redoubla, et elle réussit à se reprendre le temps de dire :

      « J’ai tellement changé que ça ? »


    Elle se mit à nouveau à rire.

    Stefyan la regarda de haut en bas, de bas en haut, une fois, deux fois, trois fois.

      « Je… euh… Ca fait plaisir de te voir ! continua-t-il avec un sourire gêné, se passant la main dans les cheveux. Ca fait un bail.

      - Tu l’as dit. 

      - Donc ça y est, tu es passée ? 
      »


    Le sourire de Kietah s’agrandit.

      « Oui ! Mais pas chasseuse, comme je l’avais souhaité. Je suis désormais tireur d’élite. 

      - Toutes mes félicitations !
      »


    S’installa un silence fort gênant. Stefyan ne sut plus rien dire, et Kietah non plus. Pour casser le tout, l’éleveur de chevaux siffla, doucement. Il offrit un nouveau sourire à son amie, qui se demandait ce qui se passait. Elle n’entendit pas et ne vit arriver derrière elle le cheval, ce pourquoi elle poussa un cri de surprise lorsque l’étalon il se mit surtout à fouiller ses cheveux du bout des lèvres, pour voir si c‘était bien de la paille, captant son odeur par la même occasion. Naturellement, l’animal poussa un hennissement de peur et fit un bond de quelques mètres en arrière, alors que l’elfe se retourna.

    Il était juste splendide.

    Le seul défaut de l’animal était sa taille. Il avait quatre ans, et faisait un mètre soixante tout au plus. Il était aussi très peu musclé. A croire qu’il n’était jamais sorti du pré. Sa robe foncée s’était doucement éclaircie, se teintant d‘un gris un peu pommelé; il avait l’épaisse encolure qui caractérisait son genre de mâle. Une crinière et une queue qui blanchissaient bien plus vite que le reste de sa robe, il avait des petites tâches de rousseur sur ses joues, semblables à un jeune adolescent. Elles la firent sourire.

      « C’est donc ce qu’est devenu le petit Milton ? » fit-elle.


    Kietah tendit doucement la main vers l’animal, s’accroupit et le laissa approcher. Les oreilles dressés vers l‘avant, l’œil intelligent, il s’avançait doucement vers elle, concentrée sur cette main tendue. Après tout, n’y avait-il pas de chance que cette elfe ait une friandise ? Et puis, il reconnaissait son odeur et sa voix, mais ne savait pas où et quand il l’avait rencontrée. Il ne retenait pas grand-chose de tous ces bipèdes qui allaient et venaient à la clôture. Les jolies juments de l’enclos à côté l’intéressaient bien plus.

      « Il est vraiment magnifique Stefyan ! Tu t’en es bien occupé, fit Kietah, tirant effectivement une friandise de sa poche qu’engloutit Milton avec plaisir.

      - Oh, rien de sorcier, répondit humblement celui ci. Même si il me coûte un peu plus que les autres chevaux et refuse catégoriquement le débourrage. 

      - Ah ?

      - Un vrai petit diable. Je crois que je n‘ai jamais réussi à me hisser sur son dos. Il se laisse manipuler, est très respectueux envers l‘Homme, répond quand on l‘appelle - mais n‘approche ne serait-ce qu‘un tapis ! Tu vois un éclair gris traverser le pré à une allure folle. Je crois que Serest n‘arriverait même pas à le suivre tant il est rapide à ces moments là,
      » conclut il avec un soupir dans lequel Kietah discerna un peu d‘amusement.


    Serest était une jolie jument crème dont Stefyan s’occupait le plus. Il passait le plus de son temps libre sur son dos, à parcourir tous les champs de Syrtis.

    Il entra dans l‘enclos, et Milton trottina allègrement vers lui. L’éleveur flatta doucement son encolure et passa une main le long de son dos, comme pour appuyer ce qu’il disait. L’entier tourna sa tête vers lui, et ses oreilles tournaient dans tous les sens, signe d’une curiosité mêlée à l’étonnement. Pourquoi faisait il ça ?

    Kietah se posait exactement le même question.

      « Tu es sûr que ça va Stefyan ?

      - Oui, oui, bien sûr. Seulement, tu es revenue si soudainement…

      - Je peux repartir, si je dérange.

      - Non, pas du tout ! Mais… tu es au courant de ce qu’il s’est passé ?
       »


    Un regard désolé partit à nouveau des yeux du jeune elfe qui alerta Kietah. Elle se releva et tourna ses deux grands yeux bleus vers lui, qui ne pouvait faire autre chose que de lui dire. Pourquoi n’avait-elle pas été mise au courant ?

      « Tu es passée chez toi depuis que tu es rentrée ? commença-t-il, peu rassuré.

      - Je suis revenue en début d’après midi, pas eu le temps. Arrête de tourner autour du pot Stefyan, s’il te plaît ! C’est grave ?

      - Oui, oui c’est grave… Deux semaines après que tu sois partie, ton père est tombé malade. Gravement malade. Six mois après, il est décédé. Je suis désolé.
       »


    L’apprentie le regarda, clignant des yeux. Elle fronça les sourcils.

    « Euh… C’est une blague, j’espère ? fit elle. Je te savais pas avec un humour si…

    - Non…
    la coupa-t-il. Non Kietah, je t’assure, ce n’est pas une blague.

    - Je ne te crois pas. Je vais voir.
     »

    Elle se détourna et partit en direction de ce qui fut, autrefois, sa maison. C’était si soudain et violent que le cheval prit peur, avant de pousser un petit hennissement pour appeler cette jeune elfe. Stefyan pesta.

      « Bouge pas toi, je reviens, voir si elle ne fait pas de bêtises. »


    Kietah continuait sa course effrénée. Ce ne pouvait être vrai ce que lui avait dit Stefyan, c’était impossible - mais pourquoi lui aurait-il menti là-dessus ? Elle passa devant l’échoppe de Samos, et vira à gauche, vers l’entrée Sud. Et si son père était encore en vie, que lui dirait elle une fois arrivée devant le palier ? Slalomant entre les maisons, elle arriva dans la petite cour intérieure. Il y avait deux façons de rentrer dans la maison du forgeron : soit par la boutique, soit par une petite rampe dont l’accès ce faisait ici.

    Kietah ne réfléchit pas plus longtemps : elle s’y précipita. Ses bottes claquaient avec grand bruit contre le bois. Les volets étaient fermés, mais cela ne voulait rien dire. La jeune femme se retrouva devant la magnifique porte d’entrée. Fermée. Où était passée cette petite clef que son père cachait toujours, au cas où il perdait l’autre ? Elle fouilla à droite, à gauche, et réussit à la dénicher, coincée entre deux planches de bois d’où elle ne pouvait tomber.

    C’est là-dessus qu’arriva Stefyan, alors que la jeune femme introduisait la clef - mais comment avait elle réussi à en avoir une ? - dans la serrure. Il tenta une dernière fois de la résonner :

      « Kiet’, arrête, si je te le dis…

      - Mais non ! Tu vas voir, je vais ouvrir cette porte et…
       »


    Avec un grincement strident, elle fit entrer un peu de lumière dans ce qui était sa maison.

    Avec les années, une certaine couche de poussière s’était accumulée. L’état de la maison, cette poussière, ces toiles d’araignées et les objets bien trop rangés à leurs places respectives ne laissaient suggérer qu’une chose : personne n’avait posé un pied par ici depuis une paire d’années. La jeune femme eut un haut le cœur de surprise. Ce n’était pas vrai, pas vrai…

      « Toutes mes sincères condoléances… Je suis désolé… »


    Stefyan s’approcha doucement et posa une douce main sur son épaule. D’un mouvement, la jeune femme se retourna et l’étreignit, en pleurs, en quête d’un quelconque réconfort qu’une personne pouvait, en cette instante, lui apporter. D’abord surpris, Stefyan tenta tant bien que mal de la calmer. Mais rien ne pouvait lui apporter une maigre consolation. Elle avait perdu son père, et l’avait quitté sans lui montrer à quel point, au fond d’elle-même, elle l’aimait, comme une fille aime son père. La seule chose qu’elle avait faite, c’était crier et partir en fanfares. Et l’abandonner.

      « Fais encore un pas, et je t’assure que tu ne remettras plus jamais les pieds dans cette maison, tant qu’elle m’appartiendra ! »
      


Bon, 'scusez moi, je viens de remarquer que l'histoire était pas très joyeuse, mais pour l'instant, le temps de tout installer, ça ne le sera pas. Je promets de m'améliorer ^^
Kietah
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